Ambivalence du lieu
à Annie et Francis Lohéac
I
L’herbe Et le feu même a des gestes d’herbe
Sur la route habituelle ma salle sans échos
Prise dans la plus grande clarté de nos gestes
Un peu de sang abreuve ce visage
Le dernier arbre a quitté le dernier oiseau
Le ciel appareille loin du dernier nuage
Cette aube le feu est blanc au revers des pays éteints
Où ne viendront plus japper les marées
Obscurément le feu élève le jour
Obscurément la fièvre bat notre rivage
II
REPERE
Le soleil faucon sur le poing du matin
Appareille enfin aux vergers de lumière
L’eau la première a désappris le baptême
Il pleut doucement sur les villes de sel
Les grands visages sculptés dans le vent
Descendent vers la mer
III
Carrousel des ombres c’est toi encore
Tourmentant cet arrière-pays de mémoire
Dans la nuit de juin obscurément échoué
Le silence bat cet aride lieu de l’homme
Les dernières constellations volent bas sur la mer
Déjà l’absence investit l’absence
La drague dans l’eau noire ramène ses pépites nocturnes
O flux et reflux de l’espoir.
Et tu es là muet la tête pleine de clameurs
IV
REPERE
Martelée (et infiniment jaillissante)
Sur ce promontoire où la nuit se brise
Murmurée (et infiniment inventée)
Voici la patrie de l’oubli
Cernée par la juste parole
La patiente écriture de l’ombre sur les stèles
V
Le harle à gorge rouge vire dans le ciel dévasté
(Captive d’un peuple de racines et des signaux trompeurs
O déchirée par l’instant)
La peur nocturne pèse sur les basses terres
Ici l’instant écrit le paysage du désert que j’invente
Debout dans le feu du torrent tu vis
Tu ne sais plus la nuit couchée au fond du jour
Et l’eau de ce visage que le temps buvait
VI
Sur le pays muet le vent mon allégeance
Chasse les copeaux d’étincelles
Hier saisies aux forges de l’hiver
Je rame dans l’océan des seigles
La demeure d’enfance fuit sous l’horizon
Le vent capitaine de course
Relégué aux terres de l’intérieur
Laboure les dunes en rêve
Le vent arrache enfin le jour au fond du jour
De quelle mémoire jailli ce ciel cuivré
Là-bas au finisterre d’enfance
Il est toujours six heures du soir
Dans cette ville côtière
Prise aux feux du dernier soleil
J’entends les meutes qui s’éloignent vers la mer
Sur les pays muets le vent mon allégeance
Réveille l’aube la friche le réel
La maison d’ici navigue dans la clarté trouble
Les rumeurs de l’enfance se brisent et meurent
J’ai perdu Tout vaincu et promis au feu
Je brûle avec toi femme nue torche inverse
Dans le fleuve encore nocturne du lit