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Le chemin de halage

I

Aller jusqu’au bout du chemin de halage
Même s’il débouche sur l’ombre
Le corps éparpillé saura pourvoir sa propre lumière
Etincelles extrêmes dans la chambre extrême du possible

II

Bergère du sommeil
Compagne de mon errance vers les cimes vives
Moi longtemps réfugié dans cette closerie du temps désaffecté
Longtemps prisonnier du pays morcelé
Aujourd’hui je m’évade
Forçant les herses de la pluie qui tombe sur les Flandres
Désertez avec moi

Muette elle vient traversant la nuit sans échos
Elle est déjà sur le parvis obscur quand la rejoint la mort

III

L’aire s’agrandit de l’oiseau tournoyant dans le royaume de sa propre frayeur
L’œil du dernier tournesol s’éteint
Le temps va se défaire sous la nuit des paupières

Nous marcherons longtemps dans la dernière ardeur des sables

Nous n’irons pas loin sur le promontoire
Où le vent efface inlassablement
L’écriture des genêts
L’empierrement du ciel à hauteur de regard
L’espace brûlant parmi les voilures
De loin nous feront signe

Et ne demande pas alors le nom de ce pays
Accordé à nos pas qui n’ont plus de mémoire

IV

C’est le dernier matin pris aux reflets des berges
Une longue patience a rompu nos amarres
Tant de navires perdus valent bien un voyage
Or nous avions juré de remonter les fleuves

L’espace reconquis il faudra le peupler
De mains nues et des gestes de cette vie ancienne
Pour que tant d’absence ne soit pas tant d’absence

Visage déchiffrable sous la soie des baisers
Ecoute venu de très loin le vent qui ruine
Le temps et les branches Ecoute les clameurs
Du vent qui ne sait plus posséder le coeur

V

Le vent à son tour emplit cette bouche
Des ténèbres de sable
Son regard s’exile et ne sait plus lire
Nos communs paysages

L’aube vertigineusement érige le désert
Silex et terre d’orage et nous pièges du feu

VI

Eclat pur et sèchement vibrant
Dans ce ciel en sommeil où le temps défleurit
C’est le même soleil c’est la même mésange
C’est la langue de feu de notre mort

La lumière a dissout nos terres vaines
L’éboulement du souvenir au plus près tonne

VII

Longtemps avons-nous marché
vers cette province ancienne
Que la pierre soit pierre
elle comme nous sans visage
En vain avons-nous déchiffré
cette très vieille peine
Que le vent soit vent
lui comme nous sans mémoire

(Janvier 1965)

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